La progression des marchés financiers, menés par les actions américaines et asiatiques, alors que l’année 2020 a été marquée par une contraction inédite de l’économie mondiale, ravive le débat sur la rationalité des marchés.
L’histoire boursière a régulièrement été marquée par des périodes de surinvestissement massif sur les marchés actions non justifiés par les fondamentaux économiques. Cette déconnexion, souvent limitée à quelques segments de marché, se traduit au niveau des entreprises concernées par un écart important entre leur valeur « réelle » et leur cours de bourse. Historiquement, le retour brutal du cours de bourse au niveau du prix fondamental a toujours eu lieu.
C’est cette crainte qui est aujourd’hui dans tous les esprits en raison de la hausse spectaculaire des marchés actions depuis mi-mars, de près de 60%. Les valorisations atteignent des niveaux records rappelant, par certains aspects, la bulle technologique des années 2000.
La valorisation des marchés actions est incontestablement élevée quels que soient les indicateurs retenus. Le marché américain, par exemple, se traite pour la première fois depuis les années 2000, à 23 fois les bénéfices futurs contre une moyenne historique de 17 fois. Le marché européen affiche également une prime historiquement forte (17x vs 14x).
On pourrait expliquer le niveau de ces indicateurs par le caractère inédit et temporaire de la crise sanitaire et de l’arrêt de l’activité mais, même ajusté du cycle, le niveau de valorisation des marchés, alors mesuré par le PE Shiller, reste élevé. En d’autres termes, la prévision de croissance des bénéfices par action de près de 40% en 2021, après la chute historique de 2020, permettra aux entreprises de retrouver leur niveau de profit de 2019, mais ne permet pas de se rassurer sur les niveaux élevés de valorisation.
DOIT-ON S’INQUIÉTER DU NIVEAU DE VALORISATION DES MARCHÉS ACTIONS ?
Si l’explication de ces valorisations ne se trouve pas dans le niveau déformé des résultats des entreprises, alors il faut s’interroger sur l’autre paramètre, celui du niveau général des taux. Dans cet environnement de taux extrêmement faibles, la notion de valorisation relative est au cœur de l’analyse.
Le niveau des taux d’intérêt limite fortement la pertinence de la comparaison avec la bulle des années 2000. Les taux longs américains, à 6% à l’époque, sont aujourd’hui à 1%. Ils entraînent ainsi la prime de risque action à des niveaux raisonnables, autour de 4%. En Europe, la prime de risque de 6% indique, de son côté, une valorisation plutôt historiquement attrayante. Le risque, ainsi mesuré, serait bien rémunéré sur les actions alors même que le couple rendement/risque obligataire serait défavorable.
Cela nous amène à ne pas nous alarmer sur la valorisation absolue des actions, malgré leurs niveaux élevés mais à nous interroger sur l’évolution des taux longs à moyen terme.
DOIT-ON SE PRÉPARER À UNE HAUSSE DES TAUX LONGS À COURT ET MOYEN TERME ?
Si les politiques monétaires des Banques Centrales donnent de la visibilité sur le niveau faible des taux courts pendant au moins 2 ans, l’évolution des taux longs reste plus difficile à appréhender. Face aux politiques budgétaires inflationnistes et à la remontée du prix des matières premières, les anticipations d’inflation remontent et font craindre une pentification de la courbe des taux déjà visible aux États-Unis. En Europe, ce mouvement est en cours mais reste limité en raison de taux longs largement administrés par la BCE.
Sur cette question de l’évolution des taux longs, nous ne pouvons pas ignorer le changement de donne introduit par la crise sanitaire dans le rôle et l’indépendance des Banques Centrales.
En effet, ces dernières financent indirectement le coût budgétaire de la crise en neutralisant, par le biais de politique de taux bas voire négatifs, la charge de la dette pour le États. Mais, ce faisant, elles perdent de leur capacité à réguler le cycle économique par le niveau des taux.
Les Banques Centrales sont actuellement garantes de la solvabilité des Etats. Ce nouveau paradigme atténue pour le moment le risque d’une remontée trop rapide des taux longs qui serait synonyme d’un réel risque de crédit tant pour les États que pour l’ensemble des agents économiques en période de sortie de crise ; risque systémique que les Banques Centrales veulent éviter à tout prix.
L’évolution future du niveau général des taux d’intérêt est donc l’élément central de notre relative sérénité sur les niveaux de valorisation des marchés actions. Cet environnement doit toutefois nous conduire à une vigilance encore plus forte sur le choix des entreprises (solidité, niveau de croissance, niveau de trésorerie et de dette.)
En effet, si la valorisation générale des marchés actions peut être justifiée par le niveau faible des taux d’intérêt, c’est aussi dans un tel environnement que l’abondance de liquidités conduit à des valorisations exubérantes pour des sociétés ou des secteurs qui ne sont ni solide financièrement ni pérenne économiquement.
Achevée de rédiger le 22/02/2021
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