Le jour de l’élection, nul ne savait prédire qui serait le vainqueur. Les sondages de sorties d’urnes étaient contradictoires. Bien que le scrutin soit fermé depuis plusieurs jours, les résultats de certains Etats n’étaient toujours pas connus. Trop serrés … Et on comptait. Les américains, les gouvernements internationaux et le monde entier attendaient, abasourdis. Tous les regards se concentraient sur la Floride. Le candidat Démocrate aurait gagné, annonçait la télévision… avant de se rétracter. Et dans un nouveau rebondissement, avec moins de 600 voix d’écart dans un État qui en comptait près de 6 millions, c’est le candidat Républicain qui était désigné gagnant. La justice était saisie. Et on recomptait… Ce n’est qu’en décembre, plus de cinq semaines après l’élection, que le candidat Républicain était confirmé par la Cour Suprême. De la fiction ? Non. L’élection de George W. Bush en 2000, un épisode qui a ouvert une nouvelle page dans l’histoire électorale des États-Unis.
Vingt ans plus tard, dans une Amérique meurtrie par la pandémie et en proie à une polarisation politique extrême, l’incertitude reste entière sur le résultat de l’élection en dépit de sondages favorables au candidat Biden. Si, comme souvent, tout se jouera dans les « Swings States », ces États clés, plus changeants dans leurs votes, la connaissance rapide du nouveau Président et de la composition du Congrès devrait constituer un défi pour éviter que ne se rejouent les errements de 2000.
Chez Mansartis nous avons souhaité nous concentrer sur les 2 scénarios qui impacteraient les marchés :
Selon le Président américain et certains analystes économiques, le scenario d’une vague bleue, plus probable après le premier débat et la suspension de la campagne de Trump, positif à la Covid 19, pourrait faire trembler les marchés et affaiblir les perspectives de croissance futures. Dans les faits, le volet économique et géopolitique de J. Biden, à ce stade s’organise autour des principaux axes suivants :
- Le lancement d’un programme d’infrastructures ambitieux d’un montant de 2000 Mds $ sur son mandat pour rénover et décarboner en particulier le bâtiment et les transports et développer les énergies propres : Impact potentiellement positif. Le périmètre final et la vélocité de mise en œuvre seront déterminants sur la contribution réelle à la croissance économique qui pourrait augmenter jusqu’à +0.8% le PIB annuel.
- La hausse du salaire minimal national à 15$ (vs. 7.25$ actuellement) qui n’a pas évolué depuis 2009. Selon le CBO(1), si la disposition était adoptée d’ici 2025, ce sont 17 millions de salariés, soit 7%, qui en bénéficieraient directement et 1.3 millions (0.8%) qui perdraient leur emploi : Un impact plutôt neutre. Si les marges des entreprises pourraient être affectées, une hausse de 1$ du salaire horaire minimum (+250$ par trimestre) pourrait se traduire par… 700$ de dépenses incrémentales (via l’endettement en particulier)(2).
- La hausse de l’impôt sur les sociétés avec une augmentation à 28% du taux marginal (vs. 21% actuellement), un seuil minimal à 15% pour les sociétés générant plus de 100M$ de revenu net et une hausse sur les revenus perçus à l’étranger (à 21% vs. 10.5%) : Impact négatif. Ce sont 5% à 9% de croissance des profits qui pourraient être à risque. Cette disposition du projet a été présentée avant la Covid 19. La pandémie actuelle, l’incertitude économique et le taux de chômage actuel, supérieur à 8%, infléchiront-ils la hausse ou son rythme de mise en œuvre ?
- Une volonté affichée de renouer avec ses partenaires économiques qui pourrait se traduire par de moindres pressions douanières mais une pression politique des États-Unis vis-à-vis de la Chine qui ne devrait pas s’assouplir : Impact difficile à évaluer à ce stade. La baisse des droits de douanes, dont l’impact direct sur les profits aurait été de 2% et sans doute significativement supérieure dans ses impacts indirects, constituerait une bonne nouvelle.
Quant aux marchés, l’histoire nous indique que leur performance durant les mandats présidentiels Démocrates entre 1943 et 2019 s’établit en moyenne à 11.4% par an - boostée par la vague technologique pendant le mandat Clinton – et à 6.9% durant les mandats Républicains. Des performances concomitantes à des périodes de plus grande prospérité économique tant en taux de croissance du PIB, des profits des entreprises et de hausse des revenus nets.
En conclusion, un mandat Biden avec une majorité au Congrès, sauf inflexion sur la partie fiscale, devrait se traduire par une révision, par le marché, des anticipations de croissance dès 2021. Quant à son impact sur les marchés, il reste à découvrir.
Plébiscité par certains, en particulier les Démocrates, dénoncé par D. Trump, le vote par correspondance est au cœur de la campagne et de ses tensions. En cause, le coronavirus qui devrait favoriser son utilisation dans un scrutin organisé à la discrétion de chaque État américain.
En effet, si le vote par correspondance est utilisé de longue date, cette année, il pourrait représenter entre 50% et 70%(3) des votes (vs. 24% en 2016). Un record qui pourrait se heurter à plusieurs difficultés logistiques entrainant des délais de dépouillement difficiles à mesurer et ouvrant la voie à de multiples recours juridiques.
Face à des volumes qui pourraient, dans certains États, atteindre jusqu’à 10 fois leur niveau habituel, les services postaux américains évoquent de possibles difficultés de traitement dans les temps impartis et de manière très hétérogènes selon les États. Par exemple, en Pennsylvanie ne seront retenus que les bulletins de votes reçus jusqu’à 20h00 le jour de l’élection, alors qu’en Californie tous ceux qui sont horodatés jusqu’au jour de l’élection seront comptabilisés quelle que soit leur date d’arrivée.
En outre les inquiétudes demeurent sur la capacité à recruter suffisamment de personnes (dont une large part de retraités) pour dépouiller et valider l’identité des électeurs. Si les fraudes sont très rares, cette étape manuelle peut prendre beaucoup de temps et certains États clés sont tenus de ne débuter le dépouillement qu’à compter du jour de l’élection.
Enfin, 58% des Démocrates seraient plus prompts à voter par correspondance vs. 19% chez les Républicains(4) laissant présager de résultats initiaux difficilement lisibles pouvant aller, selon certains, jusqu’à un possible « red mirage » qui tournerait au « blue shift ».
Quoi qu’il arrive, la soirée électorale ne ressemblera à aucune autre et les votes, physiques ou par correspondance, devront être enregistrés au plus tard le 8 décembre avant le vote des grands électeurs le 14 décembre.
Alors que cette élection confronte deux visions de l’Amérique, la multiplication attendue des litiges juridiques, les possibles manifestations et l’incapacité à connaitre rapidement le vainqueur laissent présager une résurgence de la volatilité sur les marchés et sur le dollar.
- Le jour de l’Election Day, ce sont 538 Grands Électeurs qui seront élus dans les 50 États américains pour former le collège électoral.
- Chaque État élit un nombre de grands électeurs fidèle au nombre de ses Représentants à la Chambre (déterminé en fonction de la population de l’Etat) et Sénateurs (deux par État) au Congrès
- Le candidat vainqueur dans un État remporte tous les votes
- Ce mode de suffrage s’est traduit par l’élection de candidats qui n’ont pas remporté le suffrage populaire en 2000 et en 2016
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(1)Congressional Budget Office
(2)Etude menée par la Fed de Chicago – août 2013
(3)Source : Bipartisan Policy Center
(4) Sondage Pew Research Center conduit entre le 27 juillet et le 2 août 2020
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Achevé de rédiger le 02/10/2020
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