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14 mars 2018

Interview d’Alexandra Lanée, Directeur du conseil patrimonial Mansartis, pour Gestion de Fortune - Par Jean Denis Errard

Quelle impression vous a laissé la lecture de la loi de finances ?

A première lecture, on croit que c’est une simplification. Mais plus on creuse, plus on découvre l’extrême complexité des changements, avec des choix qui ne seront pas faciles à faire pour les contribuables. Beaucoup de questions techniques restent en suspens, par exemple au sujet du passif pouvant entrer en compte pour l’IFI. Pour notre part, le traitement du crédit lombard adossé à une assurance vie reste une énigme.

Et sur le crédit lombard, pourquoi voyez-vous un problème ?

On ne sait pas si on va prendre en compte à 100% ou 0% ce crédit renouvelable d’année en année ! Or il est fréquent que des clients financent une acquisition immobilière avec ce type de financement adossé à une assurance vie. C’est comme un crédit in fine mais avec une durée de vie d’une année renouvelable.

Sur l’IFI quelles difficultés anticipez-vous ?

Sans doute les tensions vont se concentrer sur les valorisations. Et puis je pense que la prise en compte des actifs financés par crédit-bail va sans doute perturber beaucoup les clients puisque les sociétés qui utilisent ce financement ne sont pas propriétaires des biens et ne le seront peut être pas en l’absence de levée d’option! Je suis surprise que le Conseil Constitutionnel n’ait rien trouvé à redire. Il est difficile de comprendre, sur un strict plan juridique, le fait de devoir déclarer la valeur réelle de l’immeuble financé de cette manière.

De la même façon comment comprendre que des parts de sociétés immobilières appartenant à une société d’assurances doivent être déclarés par les souscripteurs d’assurance vie alors que ceux-ci ne détiennent qu’une créance ? On ne sait pas non plus si l’immobilier des fonds en euros doit être pris en compte.

Pourquoi selon vous, pour apprécier les 150 000 € relatifs au PFU d’assurance vie, la loi se réfère t-elle à l’assuré qui peut être différent du souscripteur ?

Parce qu’en général le souscripteur est aussi l’assuré. Mais c’est vrai que ce n’est pas forcément le cas.

Comment ont réagi vos clients à l’IFI ?

Evidemment le fait que les actifs financiers sortent de l’impôt sur la fortune a été très bien perçu. Maintenant ce qui perturbe les stratégies mises en place très couramment c’est que désormais on ne peut plus intégrer dans la valorisation des parts le passif d’une structure à l’IS à laquelle on avait au préalable cédé le bien. On utilisait cette solution pour faire jouer le plafonnement de l’ISF. Maintenant ce n’est plus possible.

Quelle pourrait être la parade ? Vendre ses actifs immobiliers ?

Nous réfléchissons à d’autres schémas. Mais on ne doit pas prendre des décisions patrimoniales uniquement pour des raisons fiscales. Si on devait caler sa gestion de patrimoine en fonction des lois de finances on ne s’en sortirait pas.

Ce déséquilibre fiscal entre l’immobilier et le financier perturbe vos clients ?

Oui. Maintenant le système du plafonnement existe toujours, les règles n’ont pas changé. Quand on le peut ce bouclier fiscal est une solution pour alléger la charge fiscale sur les possessions immobilières.

Il y a un problème quand l'immobilier, détenu via une holding non animatrice, est affecté à l'activité de 'lune de ses filiales! Même si elle est opérationelle, cet immobilier peut-il vraiment bénéficier d'un exonération ?

Une lecture stricto sensu des textes laisse à penser qu'effectivement dans ce cas, l'immobilier doit être pris en compte dans l'assiette de l'IFI.Il reste à espérer que la doctrine administrative assousplisse cette position.

Les nouvelles règles pour les plus-values avec le PFU vont aussi secouer les clients !

Oui, le maniement de ces règles selon les dates d’acquisition et de cession des titres, avec les abattements, tout en raisonnant globalement sur le patrimoine financier et en pensant à intégrer la CSG déductible, va obliger les contribuables à se livrer à des simulations avant de se décider. Un casse-tête ! Cette loi de finances astreint finalement les gens à se faire aider pour leurs choix fiscaux.

Est-ce normal que le législateur rende la vie impossible au contribuable ?

On ne peut pas affirmer que la vie est impossible pour les contribuables. Toutefois, certains clients, en particulier des chefs d’entreprise, pensent que cette loi de finances ne va pas, autant qu’on le dit, dans le bon sens compte tenu de la complexité des textes.

L’IFI pose des problèmes pour adapter les conventions internationales ?

Non, puisque ces conventions bilatérales prévoient généralement qu’elles concernent l’impôt sur la fortune ou impôt similaire. Mais attention, toutes les conventions ne visent pas systématiquement cet impôt dans leur champ d’application. D’ailleurs c’est la même chose voire plus restrictif pour les droits de succession. Là encore l’aide d’un bon fiscaliste est nécessaire.

Comment évoluent les relations avec l’administration fiscale ?

Je trouve que les relations s’améliorent nettement. Personnellement lorsque l’un des clients reçoit une demande d’information je prends systématiquement contact et je demande un rendez-vous. Très généralement, pour ne pas dire toujours, cette façon de faire est très appréciée. On arrive beaucoup plus facilement à régler les problèmes. Pour ma part j’ai toujours été bien reçue et les contrôleurs que j’ai en face de moi sont très souvent des gens de grande qualité. Les dossiers, la plupart du temps, ne traînent pas. La réactivité a beaucoup progressé dans l’administration, sauf peut-être pour les rescrits.

Mais il vous arrive d’aller au contentieux ?

Nous sollicitons toujours un second avis si la voie contentieuse semble n’être que la seule issue . Cela étant, l’administration est raisonnable, son intérêt n’est pas d’aller au tribunal à tout prix. Assez souvent, leurs demandes sont justes et nous arrivons à trouver un terrain d’entente. Il faut arrêter de croire que les contrôleurs fiscaux cherchent à embêter les contribuables.

Concernant l’ISF, la prescription est courte, tout cela sera bientôt derrière nous !

Beaucoup de contribuables ont fait une déclaration simplifiée, dans leur 2042. Dans ce cas le délai de prescription est de six ans. On considère que l’administration n’était pas en mesure de contrôler les valorisations et éléments de patrimoine. Attention à cela, c’est strictement prévu par la loi. En cas d’erreur déclarative, je préconise de le reconnaître tout de suite auprès de l’administration fiscale pour limiter le redressement.

Le droit à l’erreur va changer quelque chose ?

Ce texte va donner un cadre légal à ce qui se faisait déjà plus ou moins en pratique.

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Dividendes : attention aux distributions hâtives !

Le PFU n'est-il pas un signal très positif ?

Le PFU incite, c’est vrai, à distribuer des dividendes puisque le taux baisse à 12,8% d’impôt sur le revenu (+17.2% de prélèvements sociaux). Ces dernières années beaucoup de structures soumises à l’ISF ont capitalisé les dividendes pendant plusieurs années, donc beaucoup se disent « c’est le moment de distribuer ». Mais je mets en garde. Ce PFU n’est qu’un acompte, non libératoire, ce qui fait que rétroactivement sur l’année en cours une loi pourra remettre au goût du jour cet amendement rejeté au dernier moment à l’Assemblée, plafonnant l’usage de la flat tax pour les dirigeants d’entreprise possédant plus de 10% du capital social.

Vous croyez que cet amendement pourrait revenir ?

C’est un risque. Et ce risque est important puisque dans ce cas c’est le barème progressif qui est applicable, soit 45% (après abattement de 40%) + surtaxe des hauts revenus + 17,2% de prélèvements sociaux. Donc je pense qu’il est préférable d’attendre avant d’inciter les clients à distribuer massivement des dividendes.

 

Propos receuillis par Jean-Denis Errard - Pour Gestion de Fortune - Mars 2018

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